Мученичество ХХ века

La conférence annuelle de Rimini, Italie, en août 2019 est consacrée à la vie de Mère Marie Skobtsov

«ХОДИТЬ ПО ВОДЕ»,
Жизнь и свидетельство преподомученицы и святой Матери Марии Скобцовой,
Выставка и конференция в РИМИНИ (Италия) август 2019 г.

Marcher sur l’eau. La vie et le témoignage de Mère Marie Skobtsov, martyre et sainte de Paris

Par Alexandre Filonenko, Elena Mazzola, Natalja Likvinceva et le père Alexis Struve

« Il y a deux manières de vivre : les uns marchent sur terre ce qui est tout à fait légitime et respectable, s’appliquant à bien évaluer et à pronostiquer les choses. D’autres marchent sur l’eau. En l’occurrence il est impossible de mesurer les choses, de prévoir. Il suffit d’un moment de doute pour qu’il y ait noyade immédiate ».

L’exposition est consacrée à la vie et au destin d’une grande Sainte orthodoxe du XX siècle, mère Marie Skobtsov qui avait accepté l’émigration comme une mission du Seigneur, comme un don de la liberté en consacrant sa vie entière à l’Eglise. Le témoignage de mère Marie montre la réalité de l’unité, c’est un signe de ce que l’Eglise orthodoxe offre au monde entier.

Nous voyons la vie de mère Marie dans les années précédant la Seconde guerre, l’expérience acquise dans l’émigration, la dimension spirituelle qui la conduit à reconnaitre la pauvreté et la liberté comme des dons de Dieu. Se forme un mouvement orthodoxe axé sur la présence du Christ parmi nous, sur le silence que cette présence induit en nous. C’est là que se situe la source de la vocation monastique de mère Marie. Elle fonde à Paris une maison qui devient un lieu de prière, de culture, d’aide à ceux qui sont dans le besoin. Mère Marie rejoint la Résistance. Elle périt dans un camp de concentration nazi.

L’exposition se termine par l’histoire de la canonisation de mère Marie en 2004 par le patriarcat de Constantinople.

Camminare sulle acque. La vita e la testimonianza di Madre Maria, santa martire di Parigi

A cura di Aleksandr Filonenko, Elena Mazzola, Natalja Likvinceva, Padre Aleksej Struve

“Ci sono due diverse modalità di vivere: ci si può muovere sulla terra, in modo assolutamente legittimo e rispettabile, misurando, soppesando e prevedendo tutto, ma si può anche camminare sulle acque. E in questo caso non si può né misurare, né prevedere: si può soltanto e ogni volta credere. Un istante di assenza di fede e inizi subito ad affondare”.

La mostra racconta la storia e il destino di una grande santa ortodossa del XX secolo, Madre Maria (Skobcova), che ha accettato la sfida dell’emigrazione come chiamata di Cristo e dono di libertà dedicando tutta la sua vita a costruire la Chiesa. Madre Maria testimonia la possibilità dell’unità ed è un segno che la Chiesa Ortodossa offre a tutto il mondo.

Il percorso della mostra prende avvio dalla formazione di Madre Maria negli anni dell’imminente guerra mondiale, si sviluppa poi nel racconto dell’esperienza dell’ emigrazione, la cui dimensione spirituale genera il riconoscimento della povertà e della libertà come doni di Dio e favorisce la nascita di un Movimento Ortodosso che pone al centro della vita la sequela a Cristo e un attento silenzio di fronte alla Sua Presenza. Da qui prende avvio la vocazione monastica di madre Maria, segue la fondazione della casa parigina, luogo di preghiera, cultura e aiuto concreto ai poveri, e la partecipazione alla resistenza fino alla morte in campo di concentramento. La mostra si conclude con la storia del processo di canonizzazione conclusosi nel 2004, quando è stata annoverata dal Patriarcato di Constantinopoli tra i Santi come martire di Parigi.

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Walking on the water. The life and testimony of Mother Maria Skobtsova, martyr saint from Paris

Edited by Aleksandr Filonenko, Elena Mazzola, Natalja Likvinceva, Father Aleksej Struve

“There are two different ways of living: one can walk on earth, in an absolutely legitimate and respectable way, measuring, weighing and foreseeing everything, but one can also walk on water. And in this case we can neither measure nor predict: we can only believe every time. An instant of absence of faith and immediately begin to sink”.

The exhibition tells the story and destiny of a great Orthodox saint of the twentieth century, Mother Maria (Skobcova), who accepted the challenge of emigration as a call from Christ and a gift of freedom by dedicating all her life to building the Church. Mother Mary witnesses the possibility of unity and is a sign that the Orthodox Church offers to the whole world.

The path of the exhibition starts from Mother Mary in the years of the upcoming world war, then develops into a story of an experience of emigration, whose spiritual dimension generates the recognition of poverty and freedom as gifts of God and favors the birth of an Orthodox Movement that places the following of Christ and a careful silence in front of His Presence at the center of life. This is where the monastic vocation of Mother Mary began, following the foundation of the Parisian house, a place of prayer, culture and practical help for the poor, and participation in resistance until death in a concentration camp. The exhibition concludes with the history of the canonization process that ended in 2004, when it was listed by the Patriarchate of Constantinople among the Saints as a martyr in Paris.

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Источник www.egliserusse.eu

Interview de Natalia Likvintseva

En août 2019 à Rimini en Italie s’est déroulé le grand forum chrétien annuel – «Festival pour l’amitié entre les peuples». Ce forum est organisé depuis déjà 40 ans par le mouvement catholique «Communion et libération» (CL). En une semaine il accueille quelques centaines de milliers de personnes de différents pays, qui participent à des conférences, présentations de livres, concerts et expositions, dont une est toujours dédiée à la culture et la sainteté russes. Cette année, celle-ci est consacrée à sainte mère Marie (Skobtsov, 1891 – 1945), canonisée en 2004. Elle s’intitule «Mère Marie : Marcher sur les eaux».

Nathalie Likvintseva, docteur en philosophie, chercheur à la «Maison de la Russie à l’étranger A. Soljenitsyne» (Moscou), était un des curateurs de cette exposition avec le philosophe et théologien Alexandre Filonenko (Ukraine, Kharkiv), et le père Alexis Struve (Paris-Nantes, France). Nathalie a écrit de nombreux articles sur mère Marie ainsi qu’un livre biographique. Elle travaille également sur ses archives tout en éditant ses œuvres complètes. Interviewée par «Blagovest-info», elle a évoqué le projet de la création de l’exposition et sa perception par les visiteurs, qui étaient tous de religions et de cultures différentes.

— DEPUIS LONGTEMPS « RIMINI-MEETING » PROPOSE DES EXPOSITIONS «RUSSES» REMARQUABLES: SUR PÈRE ALEXANDRE MEN, MÉTROPOLITE ANTOINE DE SOUROGE, LÉON TOLSTOÏ, MARIE YOUDINA ET LES CONFESSEURS ET NÉOMARTYRS DU XXÈME SIÈCLE. D’OÙ VIENT L’IDÉE DE PRÉSENTER AUX VISITEURS DU FESTIVAL STE MÈRE MARIE ?

À l’origine c’est une idée d’Alexandre Filonenko et de la «Communauté volante» — un groupe catholique-orthodoxe russo-italiano-ukraino-biélorusse issu du mouvement Communion et Libération avec des personnes qui s’intéressent particulièrement à l’héritage du métropolite Antoine de Souroge. Ensemble ils ont préparé une exposition pour le Festival de Rimini de 2015, dédié à cet évêque de Londres. Parce qu’ils habitent dans des pays différents et ne peuvent se réunir que très rarement, cette communauté a été appelée «volante». C’est elle qui a proposé de faire une exposition consacrée à mère Marie à Rimini cette année. Personnellement, j’ai été invitée comme une spécialiste de mère Marie. Beaucoup de personnes de cette communauté «volante» ont participé à la préparation de cette exposition : chaque groupe dans chaque ville travaille sur une partie, puis nous nous rencontrons pour réfléchir à la meilleure manière d’évoquer la figure de mère Marie.

— IL EST D’USAGE DE CHOISIR COMME THÈME PRINCIPAL DE L’EXPOSITION UNE CITATION SIGNIFICATIVE. CETTE ANNÉE LE THÈME DE LA RENCONTRE INTERNATIONALE S’INSPIRE DES MOTS D’UN POÈME DE SAINT JEAN-PAUL II SUR VÉRONIQUE QUI TRAVERSE LA FOULE POUR LAVER LE VISAGE DE JÉSUS PENDANT LE CHEMIN DE CROIX: «TON NOM EST NÉ DE CE QUE TU FIXAIS». COMMENT L’EXPOSITION SUR MÈRE MARIE EST-ELLE LIÉE AVEC CE THÈME DU FESTIVAL?

L’idée théologique clé de mère Marie est la «mystique de la communion humaine»: quand tu regardes n’importe quel homme tu vois le visage du Christ. Toute rencontre, même avec quelqu’un de peu plaisant, peut devenir une rencontre avec le Christ. Cette idée de la rencontre est l’idée principale de sa pensée, de sa vie. C’est pour cela que l’Action Orthodoxe a été créée par mère Marie et ses compagnons en 1935. Ses membres disaient : nous ne faisons pas de bienfaisance, nous n’avons pas même le droit de donner un morceau de pain à quelqu’un, si nous ne reconnaissons en sa personne, l’image de Dieu. C’est l’idée même du rapport entre la communion humaine et la communion divine. Dans le poème sur Véronique, qui est devenu la devise de ce Festival, il s’agit de la vision qui regarde l’homme, Dieu et le monde comme un ensemble, et cette approche était particulièrement chère à mère Marie.

— VOUS AVEZ NOMMÉ L’EXPOSITION «MARCHER SUR LES EAUX». COMMENT CETTE IMAGE ÉVANGÉLIQUE (MT 14:25-33) PEUT-ELLE AIDER NOS CONTEMPORAINS À ENTENDRE ET COMPRENDRE MÈRE MARIE ?

— Oui, nous avons découvert qu’un passage du journal de mère Marie convient très bien à cette citation : «Il y a deux façons de vivre : marcher sur terre de manière complètement légale et respectable – mesurer, peser, prévoir. Mais on peut aussi marcher sur les eaux. Ainsi on ne peut pas mesurer et prévoir, mais il faut croire uniquement. Un instant de manque de foi – et tu commences à te noyer».

Cela a défini notre but – montrer que c’est une sainte pour notre temps. Elle a vécu dans des temps très durs de changements historiques, de catastrophes, quand il était difficile même de survivre, parfois impossible. Et tout d’un coup elle montre une vie si intense et si vivante, dont le principe clé est que seul le Christ est important, et quand tu lui es fidèle, tu peux commencer à «Marcher sur les eaux», malgré toutes les tempêtes autour de toi. Notre temps n’est pas moins dur et orageux, mais nos orages sont différents : le terrorisme, les migrants (c’est un sujet particulièrement sensible pour les Italiens), beaucoup d’autres défis. «Les images tragiques des milliers de réfugiés qui se noient dans la Méditerranée sont le miroir que l’humanité affligée montre à l’homme et à la culture occidentale, pour qu’ils y voient leur état humain et spirituel…» – ces mots d’un moine catholique Mauro-Giuseppe Lepori sont inclus dans le catalogue de notre exposition. Mais dans les horreurs de notre temps ce qui peut nous aider, c’est de décider de ‘Marcher sur les eaux’. C’est pourquoi notre exposition ne parle pas du passé, mais de notre présent, de notre vie actuelle.

— POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE DAVANTAGE SUR LA FORME ET LE CONTENU DE L’EXPOSITION.

L’exposition comprend six salles qui non seulement racontent les principales étapes de la biographie de notre héroïne, mais aussi son chemin spirituel, qui, malgré toutes les vicissitudes inhabituelles de la vie de Mère Marie, peut trouver un écho dans le chemin spirituel de chacun.

La première grande salle s’appelle «La poésie et la politique : qu’est-ce que la vérité ?». Elle raconte l’enfance et la jeunesse de Lisa Pilenko, — plus tard Elisabeth Kuzmina-Karavaeva, — fille d’une famille aristocratique, qui habite près de la Mer Noire dans le domaine paternel. À Saint-Pétersbourg cette fille a un ami inhabituel – Konstantin Pobedonostsev, procureur du Saint Synode. C’est à lui qu’elle pose un jour la question de Pilate : qu’est-ce que la vérité ? La recherche de la vérité, du sens de la vie et de Dieu est la force motrice de cette période de sa vie. Ils se réalisent dans l’art et dans la politique (ses livres poétiques et prosaïques, ses aquarelles, sa participation dans le parti socialiste-révolutionnaire, son activité de maire de la ville d’Anapa) ainsi que dans la rencontre cruciale pour sa vie – celle du poète Alexandre Blok.

La deuxième salle marque le résultat de cette recherche spirituelle tendue : «Seulement le Christ : la pauvreté et la liberté». Ici on parle de l’étroitesse du chemin spirituel, de la difficile vie de l’émigration, où Elisabeth Skobtsov se retrouve avec son deuxième mari et ses trois enfants, et subit le coup le plus terrible – la mort de sa plus jeune fille, Nastia. On peut voir comment cette expérience d’appauvrissement peut se manifester comme le don de la liberté dans le Christ.

La troisième salle «Le Mouvement dans l’Église : la vie, la nouveauté, la créativité» raconte l’expérience créatice de l’ACER (Action chrétienne des étudiants russes) dans le contexte de l’histoire des mouvements ecclésiaux catholiques, que les visiteurs du Festival connaissent bien. Ici il s’agit du rôle que l’ACER a joué dans la vie d’Elisabeth Skobtsov.

La quatrième salle «Le Monachisme dans le monde : deuxième commandement évangélique» parle de sa tonsure monastique et de son choix du monachisme dans le monde qui ne se sépare pas des souffrances du monde, mais qui aspire à les partager dans l’amour pour Dieu et pour le prochain.

Nous entrons dans la cinquième salle, grande comme la maison spacieuse de la rue de Lourmel, cette salle s’appelle «L’Action Orthodoxe : la soif pour la ‘Christification’ de la vie». On parle ici du cercle des amis qui ont fondé l’association «l’Action Orthodoxe», qui est devenue un foyer, un réfectoire, un centre culturel, qui pendant la guerre sauve les Juifs et les autres persécutés par le régime nazi.

La dernière salle «Le Martyre et la glorification : la naissance dans la mort» raconte l’arrestation et les dernières années de la vie de mère Marie au camp de Ravensbrück, ses efforts à soutenir les autres emprisonnées, ses broderies merveilleuses faites au camp, sa mort de martyr et sa canonisation.

— DANS CES SALLES, EN DEHORS DES PHOTOS DE MÈRE MARIE ET DE SES PROCHES, IL Y A AUSSI LES PORTRAITS ET LES PHOTOS DE GENS QU’ELLE NE CONNAISSAIT PAS, D’AUTRES CONFESSIONS – SIMONE WEIL, EDITH STEIN, PÈRE LUIGI GIUSSANI, DIETRICH BONHOEFFER, CHARLES DE FOUCAULD, DOROTHY DAY. QUEL EST LE LIEN ENTRE EUX ?

Parlant de mère Marie aux Italiens et autres européens, nous avons voulu introduire cette sainte dans le contexte européen et montrer que ses idées marquantes, son mode de vie sont d’un côté uniques et originaux, mais que d’un autre côté il y a des chrétiens européens de cette époque ayant eu une expérience proche et des idées similaires. C’est comme si ces personnalités s’interpellent, se font des clins d’œil les uns aux autres. C’est pourquoi pour chaque salle de notre exposition nous avons trouvé des parallèles, de saints et de grands chrétiens d’Occident qui développent des pensées ou font des choix similaires à ceux de mère Marie. S’il s’agit du monachisme dans le monde on pense à Charles de Foucauld, du martyre on pense au pasteur protestant Dietrich Bonhoeffer et son idée de la mort volontaire. Aussi nous évoquons sainte Edith Stein, Simone Weil qu’on appelle «la sainte non baptisée», Dorothy Day avec ses «maisons d’hospitalité» qui ressemblent aux foyers de mère Marie. Une des salles était dédiée à l’ACER, que nous avons regardé dans le contexte des mouvements en Occident, et là nous ne pouvons pas ne pas évoquer le père Luigi Giussani, le fondateur de «Comunione e Liberazione». La plupart des visiteurs de l’exposition connaissent bien son héritage, et cela nous a aidé à raconter l’expérience du mouvement de laïcs au sein de l’Église que les orthodoxes de l’époque ont aussi vécu dans l’ACER, et qui a joué un rôle important dans la vie de mère Marie.

— CETTE EXPOSITION EST JUSTE UN PARCOURS ENTRE LES MURS AVEC LES PHOTOS ET CITATIONS ACCOMPAGNÉES PAR LA NARRATION DU GUIDE. IL N’Y A NI ÉCRAN INTERACTIF, NI VIDÉO, NI AUTRE TECHNOLOGIE MULTIMÉDIA AUXQUELS NOS CONTEMPORAINS SONT SI HABITUÉS, NOTAMMENT LES JEUNES. COMMENT ATTIRER LES VISITEURS ? QUELLE ÉTAIT VOTRE STRATÉGIE ?

Le budget de l’exposition était très modeste et, une fois sur place nous avons appris qu’il a fallu le réduire encore par rapport à notre plan initial. Au début nous n’avions pas l’intention d’utiliser des supports médiatiques, mais nous avons travaillé avec un designer génial, qui a déjà fait plusieurs expositions pour le Festival – Olexis Chekal de Kharkiv en Ukraine.

Il a proposé quelques idées graphiques et spatiales, directement liées à mère Marie. Par exemple, l’espace est divisé par des paravents en zigzag formant la lettre M. Il a fait aussi des inscriptions verticales, qui obligent le spectateur à lever la tête vers le ciel. Certaines inscriptions sont écrites en noir, comme si elles sont faites au charbon ; Olexis a expliqué que cela fait référence au fait que mère Marie dormait sur des sacs de charbon sous l’escalier à Lourmel. Deux coins opposés de l’exposition, dans les salles qui racontent la révolution et celle de son martyre, sont peints symboliquement en rouge. Dans la décoration des stands, le designer utilise des ornements des broderies de mère Marie et dans la calligraphie – pour le catalogue et les affiches – les particularités de son écriture difficile à lire ainsi que des motifs de vague et d’écoulement d’eau.

On est surpris par la grande photo de 3×4 mètres, où on voit les chaussures usées de mère Marie, quand elle va et vient, sans repos, chercher des repas pour ses protégés. Cette photo, comme certaines autres, nous a été donnée par l’Université Saint-Tikhon (Moscou), mais c’est l’idée du designer d’attirer ainsi l’attention sur ces chaussures. Mais peut-être l’idée la plus réussie est la reconstitution de l’espace de la maison de la rue de Lourmel. Les visiteurs entrent dans la cinquième salle comme s’ils entraient dans la maison hospitalière et ouverte. Il y a des bancs pour s’asseoir, et sur le mur la plus grande photo de mère Marie en tête de table du réfectoire de Lourmel.

Ça nous donne l’impression d’être englobé nous-même par cette hospitalité de «l’Action Orthodoxe» prenant conscience que son idée principale n’est pas la bienfaisance mais bien la nécessité de vie commune. À ce propos, on peut dire qu’en préparant l’exposition nous avons aussi été obligés de «Marcher sur les eaux» d’une certaine manière ; le designer a dû refaire le projet sur place et peindre, coller, dessiner, écrire pendant cinq jours presque sans arrêt. Sa femme Larissa Chaika a dû d’urgence faire des portraits des personnages, qui devaient être tout simplement en photos. De jeunes Italiens sont immédiatement venus avec des pinceaux pour les aider. On y est arrivé et le résultat s’est révélé meilleur que le projet original !

— ET COMMENT LES VISITEURS DU FESTIVAL ONT APPRÉCIÉ CETTE EXPOSITION ?

Des groupes de 40 personnes arrivent tous les 20 minutes ! Il y a vraiment beaucoup de monde (pendant la semaine il y eut près de 5000 visiteurs). Il y a des visites guidées en italien, en russe avec traduction italienne et parfois en anglais et en français. Les guides ont déjà tous eu une sorte de rencontre personnelle avec mère Marie, dont la vie extraordinaire a changé quelque chose dans chacun d’eux. Je le sais par ma propre expérience : il y a très longtemps j’ai lu le livre de père Serge Hackel sur mère Marie, et ma vie en a été bouleversée. Les jeunes me posent des questions concrètes, qui naissent au cours de la visite. C’est une communication vivante avec la vie vivante de mère Marie. Je l’ai ressenti pendant les visites guidées, où tu reçois beaucoup plus que tu ne donnes : tu racontes et tu vois des yeux brillants, tu entends des questions profondes. Cela veut dire que ce n’est pas juste ton récit que ces gens écoutent, mais quelque chose de mère Marie qui s’écoule vers eux, et leurs yeux s’élargissent. On m’a parlé d’un garçon Italien de sept ans qui raconta à son ami qu’il était à l’exposition impressionnante sur «madre Maria». Et en général l’atmosphère de ce Festival était très chaleureuse et amicale.

— LA SEMAINE EST PASSÉE, LE FESTIVAL EST FINI ET L’EXPOSITION AUSSI. QUEL EST SON FUTUR DESTIN ? Y A-T-IL UNE OPPORTUNITÉ DE PARTIR «EN TOURNÉE» AVEC ELLE ?

Oui, on espère faire dans le futur une version mobile plus petite, en russe, (et peut-être aussi en anglais et en français), comme c’était le cas avec l’exposition sur le métropolite Antoine. Konstantin Motchoulski, un ami de mère Marie, a noté au début de la guerre ses mots où elle disait qu’elle voudrait aller en Russie, sur la Volga ou en Sibérie, pour être un vagabond et une missionnaire parmi le simple peuple russe. La Russie attend toujours mère Marie, sa parole vivante et sa vie vivante.

Interview par Julia Zaitseva
Traduction Andrej Strocaŭ


Note : Pendant les derniers jours de la préparation de l’exposition, une nouvelle est arrivée du camp de l’ACER : dans un ancien évangéliaire, une petite note écrite pendant la guerre, est découverte par hasard. Elle comporte en premier une prière pour la santé d’un ami proche de mère Marie, le père Serge Boulgakov gravement malade, ainsi qu’une prière pour plusieurs personnes en captivité parmi lesquels se trouvent les noms des 4 saints martyrs de Paris : père Dimitri, mère Marie, Georges et Élie. Une photo de cette note a été ajoutée à l’exposition, dans la salle finale consacrée à la canonisation de mère Marie.

Il est difficile de ne pas voir un petit miracle dans cette trouvaille inattendue, notamment dans ces moments très tendus pour l’Église orthodoxe en France et en Europe. Espérons que l’intercession de sainte mère Marie et ses compagnons ne nous abandonnera pas en cette période de crise.

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