Мученичество ХХ века

Douloureuse repentance et manque de conscience

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"Il serait bien que les gens retrouvent mémoire et conscience, et les choses se feront d’elles-mêmes par la suite…peut-être. J’écris ainsi en prenant mes distances, avec des réserves, car je ne crois pas en une guérison immédiate, d’autant plus quand on soigne le malade tantôt par le nom de la rue Saint Séraphim de Sarov tantôt par les portraits de Staline et les dénigrements de l’Armée blanche…"

Nous avons abordé un centenaire qui est loin d’être festif. Comment le peuple russe perçoit ces « temps damnés et difficiles »? Peut-être, 85% de la population ne pense même pas à ces événements qui se sont déroulés il y a un siècle. Soljenitsyne et Chalamov, avec leurs vérités, n’intéressent plus et les regards ne se portent plus sur leurs écrits.

Les néo-martyrs et les généraux blancs sont aux oubliettes? Alors que Lénine et ses complices reposent en paix au pied du Kremlin.

Voici seulement une dizaine de noms issus d’une longue liste:

1.Yakov Sverdlov — idéologue de la terreur rouge. Plus de 500 personnes issues de l’intelligentsia russe assassinées durant les premiers jours de la terreur.

2. Rosalia Zemliatchka — organisateur de la terreur rouge en Crimée. Plus de 50000 êtres humains sont tués en trois ans! Beaucoup d’entre eux de ses propres mains.

3 . Kliment Vorochilov — président du Conseil Suprême des Républiques socialistes soviétiques. Sa signature est apposée sur 185 listes de personnes à exécuter. Dans l’ensemble, plus de 18000 personnes furent massacrées par le NKVD.

4. Andreï Jdanov — secrétaire de l’Orgburo. auteur de plus de 170 assassinats, à l’origine des persécutions contre Zochtchenko et Akhmatova.

5. André Vychinski – procureur général de l’URSS, représentant du pays à l’ONU, organisateur des « procès de Moscou » et de la « grande terreur » entre 1936 et 1938, période durant laquelle plus de 680000 personnes sont exterminées, en deux ans. Par jour, Vychinski signait plus de 200 ordres d’exécution

6.Viatcheslav Menjinski – chef de la Tcheka, responsable des répressions durant la collectivisation.

7. Piotr Voïkov — organisateur du massacre de la famille Impériale , fut assassiné par un émigré, Boris Koverda.

8.Lev Mekhlis — commissaire du peuple, organisateur de l’épuration de l’Armée rouge, à l’origine de plus de 150000 morts.

9. Félix Dzerjinsky, président de la Tcheka commissaire du peuple des affaires intérieures, l’un des pires bourreaux du régime soviétiquie.

10. Valerian Kouïbychev — commissaire du peuple pour le contrôle du monde ouvrier et paysan, leader et fondateur d’une commission de la lutte contre les résistances paysannes au régime.

Leur mémoire se maintient à travers les noms de rues, jusqu’à vous faire grincer des dents… Les référendums pour leur changement de nom sont faits pour duper les naïfs, ce ne sont que des artifices.

2

Les initiatives de repentance de l’année jubilaire nous troublent dans la mesure où les actions similaires entreprises de par le passé sont restées vaines.

Tandis qu’on décorait les façades lors de la visite des bonzes du Parti, les cours dégageaient des odeurs nauséabondes. Les commémorations du jubilé passeront, les fanfares et les timbales (en l’occurrence, marche funèbre de Chopin), et les journalistes avertis, les fins historiens, le clergé cultivé ne sauront plus quoi dire, resteront frustrés et alors que tous les autres continueront à vaquer à leurs affaires. Pourquoi prendre sur soi « l’engagement communiste » de réaliser et de dépasser « les obligations de repentir » fixées pour fin 2017 ? Cela ne se fera pas. Il suffit de penser à l’obligation minimale — faire de cette année une période de prise de conscience et ensuite viendra le temps du repentir.

Comment s’adresser à la personne humaine, quand la compréhension de l’histoire de son pays est floue, quand elle vient d’une autre génération, et l’amener à sa «propre » conscience de la tragédie russe?

C’est que le régime soviétique conquérant a démantelé un mode de vie russe millénaire, transformé l’homme russe en « homo sovieticus », lui a confisqué sa foi et lui a appris à survivre à n’importe quel prix, en a fait un misérable envieux. Oui, il y eut des succès: le cosmos, les victoires sportives, le ballet, « les grands chantiers du communisme », les plans quinquennaux réalisés en trois ans. Beaucoup de choses ont été construites au prix d’un labeur inhumain, sur les ossements des victimes du Goulag et de « l’heureuse vie des kolkhoziens ». La terre fut envahie par la mauvaise herbe, les villages désertés, l’alcoolisme décima bon nombre de gens, le monde paysan russe fut dévasté, et pour le peu de gens qui resta à la campagne, l’amour de la terre leur fut arraché.

En URSS, les gens plaisantaient: « Ramène de l’usine le moindre clou, tu es ici le patron, et non l’invité ». Et quant aux églises profanées et défigurées, nous n’en dirons pas davantage. Nous savons qu’elles furent reconverties en entrepôts, piscines, et même en musée de l’athéisme. Tragique héritage de la désintégration de l’URSS.

Les économistes estiment que si ce n’était le putsch d’octobre 1917, la Russie serait à l’heure actuelle au même niveau que la Californie ou le Japon.

Retourner aux pays des Soviets est impossible, et revenir à la Russie d’avant 1917 l’est d’autant plus. Tomber dans la nostalgie de Brejnev, il ne vaut mieux pas. Il n’y eut rien de plus cynique, mensonger, et hypocrite, que cette période dans l’histoire de notre patrie.

La jeunesse, celle qui a entre 16 et 25 ans aujourd’hui, pour la plupart d’entre elle, en grand nombre, se fiche royalement de tout. Repentance, pourquoi ? Prise conscience, mais de quoi ? Il est fort à parier qu’ayant grandi en URSS, leurs grands-parents, le soir, à la cuisine, ne leur fassent aucune confession ou récit sur les emprisonnements, les exécutions, les délations et la terreur soviétiques. Ceux là sont des victimes. Et encore il y a des grands-pères qui ont servi la NKVD-MGB, et ont fusillé, alors que les grands-mères écrivaient des lettres de dénonciation sur les voisins qui étaient arrêtés la nuit tandis que la famille de la grand-mère occupait la « place »libre (dans la plupart des cas, avec des meubles anciens et des verres en cristal).

Oui, il serait bien de faire resurgir la mémoire et la conscience des gens, et après tout ira de soi…peut-être. J’écris ainsi en prenant mes distances, avec des réserves, car je ne crois pas en une guérison immédiate de l’organisme, d’autant plus quand on soigne tantôt le malade par le nom de la rue Saint Séraphim de Sarov avec le son des cloches dédiées aux néo-martyrs, tantôt par les portraits de Staline et les dénigrements de l’Armée blanche. Il y a déjà des films sur tout cela; en Crimée, des couronnes de fleurs sont déposées par le gouverneur, et le buste de Nicolas II ruisselle d’une "huile miraculeuse"…Il se peut qu’il pleure son fils et à sa fille aux restes desquels on refuse jusqu’à présent une inhumation digne? Ou bien, tout en larmes, il prie pour que ses assassins soient évacués de la Place Rouge?

Il n’y a point de pays si grand et atteint d’une telle flétrissure, taché de noir, avec ses terrifiants « héros ». Pourquoi donc la Russie ne peut se sortir de cet envoutement ?

Rêvons un peu: les habitants russes se réveillent un matin, allument la radio et entendent : « Chers frères et sœurs! Aujourd’hui la Douma a voté pour le transfert du corps et pour la ré-inhumation des héros de la révolution. La commission de la toponymie a pour instruction… ». Arrêtons donc, tout ceci n’est que songe, comme celui d’Alice aux pays des merveilles.

Il ne faut même pas y penser. Mais comment alors enjoindre la personne à prendre conscience et faire acte de repentir pour le passé de son pays ? A l’un aidera la Prière de la mémoire, celui qui lira le site de la « Fraternité de la Transfiguration», à l’autre, ce sera le récit de son grand-père ou de sa mère. Et ce dernier ou cette dernière alors voudra lui-même se regarder dans le miroir et se dire: « Est-ce possible que c’est moi qui ai écrit ses dénonciations? Et mon camarade m’avait raconté que son père… », etc.

Durant l’époque soviétique, par manque de prêtres dans les grandes églises, on organisait des « confessions collectives ». Le prêtre devant les fidèles: « Vous avez volé? » Et cent voix lui répondaient alors: «On a volé! » « Vous a avez menti? » — « On a menti! »

Il ne faut pas exiger de l’homme un repentir public, spectaculaire, et encore moins sous la forme d’un écrit. La question est trop intime, renvoyant à la nécessité d’une confession secrète en son for intérieur. Bien qu’il y ait à ce sujet bon nombre de textes publiés.

La route à suivre sera longue mais dans deux cent ans, le pays et les gens acquerront une conscience, et avec l’aide d’un pouvoir intelligent se déprendront des fantômes du passé et cesseront d’assimiler le Mal au Bien.

Icône « Bienheureux persécutés pour la justice». Auteur – Xenia Krivochéine

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